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Arthur & Frank : deux vrais toqués du tic-tac « vintage »

Les enchères horlogères prennent une place prépondérante dans un marché en pleine ébullition et conquièrent le coeur - et les poignets - des collectionneurs et des amateurs. S’intéresser aux ventes de haute horlogerie, c’est dénicher des trésors, découvrir des modèles inconnus ou écouter de belles histoires.

Par Arthur Frydman

Voici la première vidéo d’un nouveau rendez-vous sur la chaîne Youtube Frank Sans C ! Une émission mensuelle où nous allons décrypter la tendance d’acheter de beaux rouages sous le marteau en regardant tant du côté des grandes maisons à l’instar de Christie’s, Sotheby’s ou Antiquorum que de celui des études plus modestes à Drouot ou en province. Des lieux où les plus toqués du tic-tac (vintage) peuvent aisément faire de très belles affaires et trouver la perle rare, à condition de savoir où l’on va, ce qu’on acquiert et comment.

De belles trouvailles

Par exemple, le 19 mars dernier, nous avions suivi une vente de l’étude Bordeaux Quinconces Enchères, déjà organisatrice de 14 ventes dédiées à l’horlogerie.

Heuer Pasadena Date « Full Black ».

Sous le marteau, se trouvait un chrono de pilote HEUER de 1982 dans l’esprit des montres Porsche Design. Une pièce neuve de stock, estimée 3 500 euros et adjugée 3 600 euros. Également une itération contemporaine d’un Exo Tourbillon Minutes Chronographe de chez Montblanc – grand prix du tourbillon au GPHG de 2016 – adjugée 25 000 euros, soit près de 15 000 euros de moins que sur le marché du neuf.

Montblanc Exo Tourbillon Minutes Chronographe.

Lorsque la seconde main et le neuf s’entrecroisent

Selon les spécialistes, les montres d’occasion sont des pièces qui ont en moyenne une vingtaine d’années au compteur. Aujourd’hui, la notion de seconde main est quelque peu remise en question avec l’arrivée dans les ventes de montres neuves à l’image d’une Rolex Tiffany Blue vendue très récemment chez Sotheby’s à Paris autour de 17 000 euros, soit plus de 10 000 euros que ce que  propose le marché du neuf. Cependant, aujourd’hui, en boutique, il serait très difficile, voire impossible de trouver une telle montre Rolex disponible, d’où l’utilité de passer par le second marché.

Surfer sur le vintage, c’est un eldorado pour les marques. À noter l’arrivée des horlogers avec des programmes internes d’occasion à l’instar dernièrement de Jaeger-Lecoultre, Cartier, Zenith mais surtout Rolex. Un tremblement de terre au sein du petit monde de la haute horlogerie avec l’annonce par la marque à la couronne de l’arrivée de son programme officiel Certified Pre-Owned. La seconde main n’est évidemment pas aussi rassurante que le neuf quant aux questions fondamentales que se pose tout acquéreur d’une montre à un certain prix concernant sa provenance ou son authenticité. Deux critères qui, outre la qualité et la rareté d’une pièce, sont scrutés à la loupe par les collectionneurs qui se rabattent souvent sur l’occasion, faute de pouvoir acquérir une montre neuve en boutique. Rolex, marque star de l’industrie horlogère et griffe la plus copiée dans le monde, n’échappe pas à ces problématiques. Afin de sécuriser son patrimoine horloger et de rassurer ses clients, la manufacture à la couronne vient donc d’annoncer la création de son programme interne baptisé Rolex Certified Pre-Owned (RCPO), autrement dit un système de revente de montres d’occasion certifiées. Une nouvelle manière de réguler le marché et d’éviter toute spéculation.

Un marché à 35 milliards d’euros d’ici 2030

La montre est l’objet d’art qui se vend le mieux sur Internet. Elle est une valeur sûre, un attribut social et une monnaie d’échange qui n’a pas de barrières culturelles ni de limite générationnelle. La vente d’un rêve en soit qui représente une bulle qui explose comme en témoignent les derniers chiffres. D’ici 2030, le marché des montres de seconde main pourrait représenter 35 milliards d’euros, soit plus de la moitié du marché primaire. C’est ce qui ressort de la neuvième étude sur l’industrie horlogère menée par le cabinet Deloitte. De plus, en 2033, le marché de la montre d’occasion dépasserait celui du neuf selon le Fondateur de LuxeConsult, Olivier Müller.

Au total, selon le rapport annuel de The Mercury Project, les grandes ventes horlogères chez Antiquorum, Bonhams, Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont dépassé les 700 millions d’euros de résultats l’an passé, en hausse de 11 % par rapport à 2021 et de 80 % comparé à 2019. Autre donnée surprenante : en 2022, le Swiss Made s’est révélé plus rentable que les cryptomonnaies selon un rapport de Morgan Stanley. La messe est ainsi dite.

Focus : les enchères passées

La très vintage Montre Niton Genève.

Le 12 mars, chez l’étude Le Floc’h à Saint Cloud, nous avons repéré une étonnante montre-bracelet d’homme en or jaune, cadran doré avec affichage de l’heure sautante, disque tournant pour les minutes et cadran auxiliaire pour les secondes. Une pièce de 1920 réalisée par un horloger genevois nommé Niton. Une petite manufacture artisanale, créée en 1919 par deux ouvriers ayant travaillé chez Vacheron Constantin et qui produisait plusieurs types de calibres vendus directement aux magasins. Nous avons ici a ici un parfait exemple de montre art déco. Ses lignes sont les héritières de la Première Guerre mondiale, avec son bracelet évoquant le modèle « Tank » de Cartier, inspiré des chenilles du véhicule militaire, et son boîtier rectangulaire de type «brancard», rappelant ceux transportant les blessés. Estimée entre 2000-3000 euros, elle a finalement été adjugée 24 375 euros. Comme quoi parfois, l’originalité suffit, ça paye.

Patek Philippe Heures Universelles World Time Moon.

Le 14 février dernier, toujours à Drouot chez Olivier Doutrebente, le catalogue comptait une rare et belle Patek Philippe, « heures universelles » World Time Moon, réf. 7175R-001. Une montre-bracelet en or et diamants, gravée « 175e anniversaire 1839 – 2014 », avec cadran argenté et phases de Lune rotatives centrales. Une édition limitée à 450 exemplaires et réalisée en 2014 à l’occasion du 175e anniversaire de la marque. C’est la deuxième fois que ce modèle apparaîssait aux enchères, et une première en France. Estimée 80-120 000 euros, cette Patek Philippe a été adjugée 70 000 euros. Elle n’a malheureusement pas décroché la lune.

Toujours chez Olivier Doutrebente, nous avons également trouvé un exemplaire de la Lange 1 Time Zone de la maison A. Lange & Söhne. Une référence des années 2005/2006, en platine avec double fuseau horaire, cadran argenté, mouvement mécanique, balancier spiral avec réglage microspiral, pour laquelle 30 000-50 000 euros étaient demandés. Elle signe un beau résultat avec une adjudication à 37 800 euros.

Enfin, le 16 mars dernier à Genève chez Phillips, une belle vente mettait les horlogers indépendants à l’honneur. Parmi eux, un fait d’ailleurs l’actualité : Daniel Roth. Ce dernier était célébré avec une montre quasi légendaire puisqu’il s’agissait de la Daniel Roth Quantième Perpétuel Réf. C117 réalisée en 1996 avec l’horloger Philippe Dufour. Estimée 50 000-25 200 euros, la pièce, premier mouvement à quantième perpétuel instantané au monde, a crevé le plafond, adjugée plus de 90 000 euros. Un résultat peu étonnant sachant que tout récemment, la marque, avec l’aide de La Fabrique Du Temps Louis Vuitton, renaît en 2023 à travers une production de pièces inédites et limitées.

Daniel Roth Quantième Perpétuel Réf. C117.

Focus : les enchères à venir

Tout d’abord chez Antiquorum à Genève, les 14 et 15 mai prochain. On ne peut pas passer à coté de Rolex et un certain cosmographe Daytona vintage à remontage manuel qui affole les collectionneurs. Une version « Paul Newman », que tous les aficionados de la marque à la couronne connaissent à travers son cadran à deux ou trois couleurs qui en fait la référence Rolex la plus recherchée surtout depuis que la vraie « Daytona » de Paul Newman a été adjugée aux enchères à New York le 26 octobre 2017 pour plus de 15 millions d’euros. Si on revient dans le passé, ce chrono est né en 1963 et comptait la modique somme de 210 dollars. Produit en faible quantité à l’époque, plusieurs références furent produites jusqu’en 1987 dont les « Paul Newman », appellation officieuse non reconnue par Rolex des références 6239, 6262, 6263, 6264, 6265 ou 6241. Ici, c’est une 6241 de 1968 qui est mise à l’encan avec son cadran exotique tricolore en noir (sous-cadrans) et blanc (cadran). Son estimation est attendue entre 130 000 et 230 000 euros. Elle devrait cependant faire beaucoup plus. Affaire à suivre.

Jaeger-LeCoultre Deep Sea ref. E857.

Dans la même vente, citons également une référence rare et très peu visible sur le marché avec cette Jaeger-LeCoultre Deep Sea réf. E857. Produite pendant seulement 3 ans, de 1959 à 1962, à 1061 exemplaires (encore moins que la Polaris, fabriquée plus tard à 1714 exemplaires), elle a été produite en 2 lots : l’un pour le marché européen et l’autre pour le marché américain. Les experts s’accordent à dire qu’environ 800 pièces ont été fabriquées pour le marché américain (avec un cadran totalement différent) et environ 200 pour le marché européen. Considérée comme la première montre-bracelet de plongée de Jaeger-LeCoultre, mais aussi comme la première montre de plongée avec alarme mécanique, elle sera attendue sous le marteau entre 20 000 et 30 000 euros.

Vente Christie’s F.P. Journe.

Le 12 mai à Genève, la maison Christie’s célébrera l’art de F.P. Journe. Une vacation qui fait office de plus importante vente de montres F.P. Journe jamais organisée à ce jour. Avec 40 garde-temps F.P. Journe, cette magnifique vente mettra en lumière le génie de François-Paul Journe avec une sélection emblématique de références, de ses premières années jusqu’à aujourd’hui. Signalons deux modèles. Tout d’abord un modèle exclusif de 2010 avec un chronographe ergonomique Centigraphe Souverain en platine avec registres 100e de seconde, 20e de seconde, 10 minutes, cadran chromé rouge et bracelet en platine. Disponible uniquement sur demande spéciale, cet exemplaire affiche un cadran rouge Ferrari de l’emblématique F.P. Journe Centigraphe. Pour en être l’heureux propriétaire, il faudra débourser entre 400 000 et 600 000 euros. Ensuite, un superbe Chronomètre à Résonance en platine « Pré-Souscription » lancé en 2000 et estimé entre 500 000 et 1 million d’euros.

L’histoire du jour

Nous allons nous intéresser à une véritable découverte car personne ne connaissait l’existence de cette montre. La maison Phillips dévoile – sans avoir encore annoncé une date fixe de vente – une Patek Philippe Calatrava en platine réf. 96 Quantieme Lune. Un objet ayant appartenu à Aisin-Giro Puyi – ou Xuantong, son nom de règne – le douzième et dernier empereur chinois de la dynastie Qing. Un souverain qui vécut une vie compliquée en Chine, montant sur le trône de la dynastie Qing alors qu’il n’avait que deux ans, mais forcé d’abdiquer quatre ans plus tard. Sa vie fut d’ailleurs racontée en 1987 dans le film Le Dernier Empereur du cinéaste Bertolucci qui avait remporté l’Oscar du meilleur film.

Patek Philippe 96 Quantième Lune.

Une référence légendaire, d’une importance capitale pour l’héritage de Patek Philippe, puisque c’est l’un des exemples les plus importants à n’avoir jamais refait surface. Alors que seules sept références Patek Philippe 96 dotée d’une telle complication étaient connues auparavant, le présent exemplaire est nouveau sur le marché et est le huitième exemplaire à apparaître. Seuls deux exemples avec la configuration exacte du cadran – qui comprend une configuration « Roulette » arabe en émail – ont déjà fait surface. L’un fait maintenant partie de la collection du Patek Phillipe Museum tandis que le second a été vendu en 1996 à un collectionneur privé. Aucune estimation n’a pour l’instant été donnée par la maison de ventes mais il faut s’attendre à une estimation d’au moins 1 million d’euros.

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