COMPLICATION HORLOGÈRE

Les répétitions minutes 

L’histoire du temps est attachée à toutes les façons de l’annoncer. Et parmi elles, la plus émotionnelle est assurément celle dite en musique. Aussi, les montres à répétition minutes sont celles qui, dans en un tintement cristallin, sont les plus à même de dire combien celui qui la possède détient des pouvoirs temporels.

Par Vincent Daveau
Assemblage d’un calibre d’Octo Bvlgari Répétition minutes ultra fin.

Les répétitions minutes : l’art de dire son pouvoir en musique 

Sonner le temps ou l’annoncer distinctement d’une façon ou d’une autre a toujours été, pour les princes et les personnages influents, un moyen de faire la démonstration de leur pouvoir. Très vite dans l’histoire, soit dès le milieu du XIIe siècle en Occident, les villes se sont appropriées le temps mécanique et ont obtenu de faire sonner les heures aux beffrois pour s’imposer sur les campagnes. 

Montre de carrosse à répétition à la demande avec ses boîtiers de protection. Milieu XVIIIème siècle – © Antiquorum.

Cette heure, sonnée pour être entendue de loin à défaut d’être lue au cadran des horloges, était annoncée avec une régularité de métronome. Cette nouvelle division de la journée et du travail s’opposait au temps solaire, fluctuant avec les saisons. On a trop souvent lu que les montres à répétition minutes avaient été inventées pour permettre à leurs propriétaires de savoir l’heure durant la nuit. Il n’en est rien et ces outils ont été inventés pour permettre à ceux qui avaient les moyens de se les offrir, de faire savoir à leur entourage, dans les salons ou en soirée, leur niveau de pouvoir par leur faculté de dire le temps en musique comme avant eux l’Eglise et les villes d’importance. Il ne faut pas sous-estimer la puissance de l’évocation ! 

Genèse d’un temps acoustique

Au XVIIème siècle, la montre encore trop peu précise, comporte souvent dans les exécutions de haut niveau, des calendriers avec indications astrologico-scientifiques. Pourtant, très vite, comme l’indiquent les jurandes de Genève en 1601, l’obtention du titre de maître en horlogerie impose la réalisation d’un garde-temps affichant les indications astronomiques et possédant la fonction de réveil. La montre était donc capable, assez tôt, de transmettre le temps en sons dans l’histoire de l’horlogerie. 

Breguet Tradition Répétition Minutes réf. 7087 en or avec calibre contemporain inspirés de ceux du maître fondateur. Le timbre est bien visible au dessus du cadran et n’a pas une forme traditionnelle.

C’est en 1676 que l’Anglais Daniel Quare (1649-1724) propose une pièce mécanique susceptible de sonner les quarts d’heure grâce à un assemblage mécanique composé de bascules, de colimaçons, de ressorts et de leviers. On rapporte toutefois dans certains ouvrages, que la plus ancienne montre à répétition connue à ce jour serait une pièce réalisée à Friedberg, en Allemagne, vers 1710. L’horlogerie britannique domine alors et il est crédible que cette invention soit britannique. Mais la nouvelle se répand et les concurrents se mettent eux aussi à rivaliser d’ingéniosité pour proposer des assemblages mécaniques permettant d’aller encore plus loin. La compétition bat son plein quand Thomas Mudge, un autre Anglais et élève de George Graham (actif de 1738 à 1794), propose la première montre équipée d’une complication permettant à son propriétaire de faire sonner à la demande : l’heure, les quarts passés, mais également les minutes écoulées depuis la frappe du dernier quart. A partir de cette date et par convention, le métier appelle ce mode de sonnerie : la répétition minutes.  

Mouvement mécanique avec répétition minutes. Eclaté du calibre de la montre Louis Vuitton Tambour Répétition Minutes.

L’âge d’or de la répétition minutes

Les hommes du XVIIIème siècle, ont tôt fait de la montre un emblème du progrès. Conscients des difficultés de réalisation des montres, ils considéraient la « répétition minutes » comme la complication « reine », que seuls les meilleurs artisans pouvaient réaliser et qu’évidemment, seuls les amateurs les plus riches pouvaient espérer s’offrir. Ainsi, John Arnold, horloger anglais brillant devait offrir au roi George III une montre bague à répétition d’une taille tellement réduite que son auteur acquis immédiatement une réputation d’excellence. 

Montre Louis Vuitton Tambour Répétition Minutes en or blanc.

Pour se faire une idée de la valeur des instruments à l’époque, il faut retenir qu’une montre à répétition minutes ne coûte alors pas moins cher qu’aujourd’hui, et ce malgré la capacité des marques actuelles de mécaniser une partie de la fabrication. Dans cette compétition, les Français ne manquent pas de talent. 

Thiout l’aîné, horloger à l’origine du traité qui porte son nom, obtient des résultats très satisfaisants en 1741. Julien Le Roy améliore ultérieurement encore le système. Les pièces proposées gagnent en finesse et en qualité auditive. Dans l’élan, Jean-Antoine Lepine, né à Chalex dans le pays de Gex (l’Ain en France) en 1720, fabrique à l’apogée de sa carrière un nouveau système de répétition simplifiée pour les commandes d’armage et le mode de sonnerie. En 1763, il se fait une spécialité de la répétition à toc, une mécanique où les marteaux, selon les versions, frappent directement sur la carrure de boîte plutôt que sur un timbre ou un gong pour produire une vibration seulement perceptible par le porteur de l’instrument. 

La montre Bvlgari Octo Finissimo Répétition Minutes. 

Sonner l’heure juste 

La répétition minutes est la matérialisation acoustique d’un luxe pratiquement ultime. Ces modèles fabriqués par les plus grandes maisons expriment la quintessence du savoir-faire horloger car les mouvements équipés de cette complication sonnent à la demande les heures (timbre grave), les quarts (timbre aigu et grave) et les minutes écoulées (timbre aigu) depuis le dernier quart d’heure échu. Cependant, en raison des coûts de fabrication très élevés, de nombreux horlogers ont tenté divers développements mécaniques afin de proposer au public des garde-temps à sonneries plus économiques. 

Jaeger-LeCoultre Master Grande Tradition Répétition Minutes

Il s’agit de modèles qui permettent de faire sonner les heures et les quarts écoulés. Ont également existé des montres à répétition aux demi-quarts. Ces modèles en particulier, développés par Breguet durant la seconde moitié du XIXème siècle, ont été ensuite abandonné au profit des instruments équipés de répétitions aux 5 minutes. Ces instruments très bourgeois dans le principe se retrouvent dans beaucoup de montres de poche savonnettes en or de la fin du XIXème siècle qu’il est possible actuellement d’acquérir au prix du poids du boîtier… L’occasion de s’offrir une montre à répétition à petit prix. 

Montre Credor Spring Drive répétition Minutes, une pièce à répétition décimale. Une fabrication du groupe Seiko.

Mais en cherchant bien, il est également possible de trouver quelques pièces contemporaines proposées par de petites maisons, dotées d’un calibre embarquant cette complication proposée au catalogue de la maison Dubois-Dépraz. Par souci d’être complet, on notera qu’il existe également quelques marques comme Credor (Groupe Seiko) qui ont retenu un temps sonné sur une base décimale, autrement dit de 10 minutes en 10 minutes. 

Vacheron  Constantin Patrimony Contemporaine Ultra Fine Répétition Minutes. Un modèle du genre… 

C’est efficace, mais il faut le savoir à l’avance pour ne pas se tromper. Car le but, bien entendu, n’est pas d’entendre l’heure pour la lire ensuite, mais de se contenter de l’écouter et de savoir transcrire la musique en temps… Car, au final, c’est aussi de l’argent. Aussi, a-t-on tout à gagner à avoir une bonne oreille. 

F.P. Journe, Répétition Souveraine. Une merveille d’équilibre,  pensée et construite au cœur même de la ville de Genève. Un luxe rare de puissance et d’équilibre classique. 

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